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Le dialogue, un outil de paix

 

J’imagine que l’on vous a souvent demandé: que voulez-vous faire dans la vie? À cette question, lorsque nous étions plus jeunes, Alain et moi répondions : « être acteur de paix ».  Depuis, nous portons un rêve: celui de la paix, un être humain à la fois. Pourquoi cela? Parce que, comme vous, nous constatons combien le monde actuel s'enlise dans la violence des préjugés et, pis encore, dans celle des conflits armés dont les principales victimes sont des femmes et enfants. Comment vivre ici quand là-bas tant de gens souffrent ou meurent? Devant ces lourdes inégalités, nous avons cherché un chemin pouvant apaiser notre douleur intérieure et porter plus loin notre rêve de paix. Du coup, ce chemin s'est ouvert à nous: animer des processus de paix en République centrafricaine (RCA), un pays peu connu, dévasté par les conflits armés depuis la crise de 2013.

Voici notre histoire. Prêts à faire face à notre propre angoisse de travailler dans un contexte tendu, nous avons facilité cinq ateliers dans le but de promouvoir les méthodes de résolution des conflits axées sur le dialogue communautaire comme alternative à la violence. Offerts en collaboration avec l’Institut canadien pour la résolution des conflits (ICRC), ces ateliers s’inscrivaient dans les programmes de la réduction de la violence et de la préparation aux activités de désarmement, de démobilisation et de réintégration de la MINUSCA en RCA.

Au cours de ces ateliers, nous avons été témoins de changements d'attitudes et de comportements; des êtres meurtris par la guerre ont retrouvé la force de parler à nouveau;  des ex-combattants ont vu poindre à l’horizon l’espoir de se pardonner. Plusieurs ont appris ou réappris à s'écouter plutôt qu’à juger ou à dominer. Les participants ont repris le dialogue pour imaginer une Centrafrique renouvelée. Ces ateliers ont été pour nous l’occasion d’accueillir la souffrance à la fois des victimes et des acteurs du conflit. Bien que les rôles des participants étaient différents, chacun avait sa place; c’était là notre engagement : une écoute en respectant l'histoire de chacun. Nous avons la conviction qu’une ouverture à l’autre porte le germe de la réconciliation.

Nous avons travaillé afin de lever le voile sur les racines profondes du conflit, liées à l’identité, dans le but d’engager une réflexion collective sur les alternatives à la force et à la violence. Les questions fusaient de toutes parts. C’est alors qu’ont commencé à émerger, sur le ton de la confidence et dans le respect, les perceptions que chacun avait de son pays à partir de sa propre histoire:

« On sent la douleur de chaque participant. On veut voir la paix revenir en RCA. »

« Tout le monde en a marre de notre conflit. »

Victimes et acteurs des conflits ont transformé leur expérience par une quête de conscience de soi, par la reconnaissance des besoins menacés et la recherche d'humanité en chacun comme si un mouvement collectif de bienveillance progressive les avait conviés à imaginer la RCA autrement. Certains leaders de groupes, au départ opposés les uns aux autres, se sont assis côte à côte, se sont parlé et se sont écoutés. Certains d’entre eux ont commenté:

« Nous avons ouvert le chemin de la paix dans cet atelier. »

« J’ai changé mon comportement et désarmé mon cœur. »

Nous avons observé une diminution de la tension et un sentiment renforcé d'unité centrafricaine. Un désir de réconciliation a clairement été exprimé et des gestes concrets ont été posés en ce sens dont celui de créer des comités de tierce partie neutre immédiatement après les ateliers. Pour nous, l'un des principaux acquis de la formation en est un d’humanisation des participants et de redéfinition même de leur identité pour certains, passant d’acteurs du conflit et d’ex-combattants à artisans de paix.

 

Par: Nicole Charron (Praticienne de la paix en collaboration avec l'ICRC) et Alain Paulin (Médiateur agréé).

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